Pour ceux qui connaissent bien internet, cela devait bien finir par arriver tôt ou tard : profitant d'un vide juridique laissant faire beaucoup de choses qui ne seraient pas autorisés sur des médias plus classiques comme la télévision, des influenceurs peu scrupuleux n'hésitent pas à abuser de leur audience en faisant la promotion de produits et de services dangereux ou frauduleux.
Afin de mettre de l'ordre dans tout cela, deux députés, Stéphane Vojetta (Renaissance) et Arthur Delaporte (PS - Nupes) vont prochainement proposer à l'Assemblée Nationale un texte de loi visant à encadrer les influenceurs, notamment en leur interdisant les pratiques jugées les plus néfastes. Inquiets de l'avenir de leur filière, des influenceurs (Youtubeurs, Instagrammeurs, Tiktokeurs...) ont cosigné une tribune afin d'appeler les pouvoirs publics à la mesure. Les internautes ont protesté contre cette prise de position, jugée indigne, alors que les dérives chez certains influenceurs sont nombreuses. Face à cette polémique, certains signataires de la tribune comme Squeezie ont fait marche arrière.
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Quel est le contenu du texte de loi proposé pour encadrer les influenceurs ?
Le but de cette loi est d'encadrer ce que l'on appelle communément les « opé spé », c'est-à-dire des partenariats publicitaires conclus entre les marques et les influenceurs. L'idée est d'aligner la réglementation des producteurs de contenu sur Internet à celle de la télévision, notamment vis-à-vis des contenus sensibles : alcool, cigarette, mais aussi chirurgie esthétique. Parmi les points cités dans la loi, voici une liste non exhaustive :
- Création d'un vrai statut d'influenceur dans le code de la consommation, afin d'avoir un vrai cadre juridique autour de la vente de contenus sponsorisés sur les réseaux sociaux.
- Création d'un statut d'agent d'influenceur, clarifiant là-aussi les liens contractuels entre les influenceurs, leurs agents et les marques.
- Les influenceurs basés hors de France doivent désigner un représentant légal, et seront donc responsables de leurs actes devant la justice et le fisc français.
- Les plateformes doivent coopérer avec les autorités pour supprimer ces contenus illicites.
- Affichage d'un bandeau avertissant qu'il s'agit d'un contenu sponsorisé, et en plus messages d'avertissement ad-hoc en fonction du produit, comme à la télévision (paris sportifs, nourriture, voitures...).
- Les plateformes doivent renforcer les mécanismes de signalement autour des publications illicites, et sont tenues responsables. Les contenus sponsorisés pourraient être signalés s'ils ne sont pas conformes, y compris aux dispositions ci-dessus.
- Interdiction totale de la promotion de produits financiers (cryptomonnaies notamment) et de la chirurgie esthétique.
- Indication obligatoire de la présence de filtres sur les photos et les vidéos.
- Meilleur encadrement pour les mineurs influenceurs.
- Indications claires sur le dropshipping (fait d'acheter des marchandises à très bas prix pour les revendre bien plus chères)
Face à ce texte, c'est l'UMICC qui a pris les armes. Créé le 10 janvier 2023, l’UMICC (pour Union des Métiers de l’Influence et des Créateurs de Contenu), a été déclarée au Journal Officiel sous forme d’association de loi 1901. Elle représente les 7 plus grandes agences d'influence en France, mais ne représente en aucun cas l'ensemble des influenceurs en France. C'est l'UMICC qui a cherché à rallier des influenceurs parmi ses soutiens, dont celui de Squeezie.
>>> Tribune de l'UMICC dans le Journal du Dimanche <<<
La tribune de l'UMICC :
- rappelle que les pratiques frauduleuses ne sont le fait que d'une minorité
- est favorable au texte
- rappelle la richesse de cet écosystème (évoquant 150 000 influenceurs en France)
Parmi les signataires de la tribune, on trouve : Amixem, CYRILmp4, EnjoyPhoenix, SullyvanGwen, Theodort, Pierre Croce... Rapidement, certains internautes ont dénoncé cette tribune, qui selon certains tenterait de défendre les pratiques peu scrupuleuses de certains influenceurs. Squeezie s'est donc rapidement dissocié de cette tribune.
Ma réponse 👇🏻 pic.twitter.com/hE2kM75lzx
— Squeezie (@xSqueeZie) March 26, 2023
Pourtant, l'agence créée par Squeezie, Bump, fait partie des 7 fondateurs de l'UMICC. De leur côté, de nombreux influenceurs ont pris avec dérision ce retrait et cette déclaration.
Tendance 📢
— Spotters 🔎 (@SpottersMedia) March 27, 2023
La tribune signée par 150 créateurs de contenu a fait BEAUCOUP parler ce week end...
Générant au passage quelques vannes bien senties 👇🧵 https://t.co/y7LZKXEVw7
Mais derrière ces influenceurs peu scrupuleux se pose aussi la question de la monétisation et des revenus pour de très nombreuses personnes travaillant sur Internet. Loin de l'époque des Youtubeurs faisant tout seuls chez eux, beaucoup travaillent désormais avec des équipes entières afin de produire leur contenu. Alors que la monétisation offerte par les plateformes en fonction des vues s'est effondrée au fil des années, les créateurs de contenu ont besoin de revenus pour continuer de produire des vidéos toujours plus travaillés. C'est pourquoi les contenus sponsorisés (ou opé spés) se sont multipliés.
Ce combat renvoie à la lutte menée dernièrement par le rappeur Booba contre les « influvoleurs », ces influenceurs aux pratiques peu scrupuleuses. Souvent issus de la télé-réalité, certains sont réputés pour être peu regardants vis-à-vis des produits dont ils font la promotion auprès de leur audience. Beaucoup d'entre eux sont représentés par Magali Berdah, que Booba accuse d'encourager ces pratiques. C'est d'ailleurs à l'initiative de Magali Berdah qu'a été créée l'UMICC (source).
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