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Interview avec Xavier Riffault de Pixar, artiste storyboard sur Alerte rouge

Nous avons interviewé Xavier Riffault, artiste storyboard chez Pixar ayant contribué Alerte Rouge, nouveau dessin animé disponible sur Disney Plus !

À l’occasion de la sortie du dernier film des studios Pixar, Alerte Rouge, notre rédaction a eu l’opportunité de voir le film en avant première, et même d’interviewer Xavier Riffault, membre de l’équipe ayant travaillé sur le film.

Travaillant sur le storyboard d'Alerte Rouge, il a pu nous parler du développement du film, tout en revenant sur ses débuts et sa carrière au sein de Pixar.

Interview de Xavier Riffault, artiste storyboard chez Pixar

En quelques mots, en quoi consiste votre travail chez Pixar ?

« Moi je fais du storyboard, donc je reçois les pages de scénario et on les met en image. Avant qu’un film puisse être parti en production, en créant les environnements et les personnages en 3D, pour avoir déjà une idée de la façon dont le film fonctionne à l'écran, on va le mettre en dessin et faire une projection du film. Donc c’est une version animée, très bloquée, avec quand même des idées d’acting, d’angles de caméra et de vue mais aussi d’environnements dans lequel l’action se passe, ce qui permet d'avoir toute la continuité du film à l’écran, et donc ça permet d’avoir une idée de si le film fonctionne ou pas, si ça arrive à traduire ce qu’on veut mettre à l’écran. ».

Un extrait du storyboard du film Soul de Disney, mis côte-à-côte avec le rendu final

Et il se fait comment ? Sur papier ou numérique ?

« Tout en numérique maintenant, nous on travaille sur une tablette graphique, on utilise en partie photoshop et en grande partie un software développé en interne. »

Comment en êtes-vous venu à venir travailler pour Pixar ?

« La route était un peu longue et tortueuse, j’ai commencé en étant animateur, avec le clean up, qui consistait à mettre les dessins d’animation au propre pour pouvoir les numériser et les mettre en couleurs. Puis à la fin de l’animation 2D, j’ai essayé de passer à la 3D, j’en ai fait un peu, mais le dessin me manquait toujours. J’ai commencé à faire mes propres dessins, mes propres illustrations, je les ai montrées à une personne qui faisait du storyboard, et cette personne m’a donné des conseils sur la façon dont on travaille, dont on traduit un scénario pour faire un storyboard. J’ai commencé le storyboard dans un studio qui s’appelait PDI et qui faisait partie de Dreamworks. A la fermeture de PDI, j’ai postulé chez Pixar et j’ai été pris. »

Issus de la division informatique de LucasFilms, les studios Pixar ont été fondés en 1986. Ils sortent Toy Story 1 et 2, 1001 pattes, Le monde de Nemo, Les Indestructibles, Ratatouille, et collaborent avec Disney avant d'être purement et simplement rachetés par eux en 2006. Ils ont depuis sorti WALL-E, Là-haut, Rebelle, Coco et Soul. Le studio a récolté pas moins de 11 oscars des meilleurs films d'animation, pour 14 nommés. Beau palmarès !

Avez-vous fait des études dans ce domaine ?

« J’ai toujours su que je voulais faire du dessin, j’avais déjà une affinité pour l’animation mais j’ignorais qu’on pouvait en faire un métier et qu’il existait des écoles. Ça s'est fait en école de dessin, où j’ai rencontré des personnes qui sont allées aux Gobelins, qui m’en ont parlé, et ça a été un déclic, je me suis dit que c’est ce que je voulais faire. À l’époque, j’avais le choix entre ça ou faire de la publicité… Le choix était vite fait. J’ai postulé, puis les choses se sont enchaînées. Beaucoup de personnes dans cette école étaient déjà dans le milieu professionnel, étaient déjà établies dans différents studios dont ceux de Londres. L'une d'elles revenait dans notre école quand les studios cherchaient du monde, ce qui nous permettait d’entrer dans le monde professionnel quasiment à la sortie de l’école. À cette époque, après que l’animation ait connu un passage à vide, elle repartait en flèche et il y avait une forte demande de main d’oeuvre. »

Découlant de la manufacture des Gobelins, créé en 1662 pour créer des tapisseries, l'école des Gobelins est créée en 1963. Son département cinéma d'animation, créé en 1975, est à l'origine de l'immense renommée de l'établissement dans le monde entier. Elle propose des formations de bac+2 à bac+5, y compris en formation continue.

Qu’est-ce que cela vous a apporté d'être français ?

« Quand on grandit en France, on dévore de nombreux classiques de la bande dessinée, je lisais le journal de Spirou, tout une culture très différente du milieu de la bande dessinée aux États-Unis. On apporte une vision un peu différente : les normes, les références… Même au niveau du cinéma, on a pas du tout les mêmes films : j’ai grandi avec Belmondo par exemple. »

Comment décririez-vous ce film ?

« C’est la relation entre une mère et sa fille, du passage à l’adolescence, et la transition un peu étrange qu’on vit entre l’enfance et l’envie de devenir son propre maître, prendre ses propres décisions, mener ta vie comme tu l’entends, sans que ça ne rende trop la relation avec tes parents difficile ou trop tendue. On le vit aussi quand on a des enfants, il se trouve que j’ai une fille de 17 ans, qui était un peu plus jeune à l’époque. »

Pourquoi avoir choisi le panda roux pour symboliser ce passage à l’adolescence ?

« C’est un choix de Domee Shi, la réalisatrice : elle a grandi au Canada dans une famille chinoise, avec cette dualité, et elle voulait exprimer ce passage de l’adolescence et a trouvé amusant d’utiliser cette créature. Elle est ambivalente, avec à la fois les réactions d’un animal, beaucoup plus imprévisibles, violentes parfois, et elle trouvait que le panda roux traduisait bien cette ambivalence de l’adolescence avec encore ce côté un peu gentil et doux, et parfois agressif, en voulant te faire tes marques. Puisque la réalisatrice a grandi à Toronto, cela donne plus d’authenticité à l’histoire que tu souhaites raconter, c'est personnel. Pixar aime bien baser les histoires sur les propres expériences des réalisateurs. Ca aurait été bizarre de transposer ça dans une ville sans connexion, où elle n’ait pas de racines, là elle sait de quoi elle parle. »

Et vous sur le storyboard, comment transposez-vous ces idées ? Connaissez-vous la ville ?

« On utilise internet, au moins pour rester dans l’ambiance visuelle. Moi j’aime bien ancrer ce que je fais dans un cadre qui puisse être le domaine dans lequel se déroulerait l’action, une fois qu’ils arrivent à construire les environnements en 3D. Autrement, ça vient du scénario, qui donne toutes les directions nécessaires. Puis un département artistique commence à peu près en même temps que le storyboard pour créer l’atmosphère visuelle. On donne des éléments qui permettent déjà à l’équipe artistique de situer l’action. Mais non, je ne connais absolument pas Toronto. »

Dans le film Mei dit « Mon panda, mon choix ! », on perçoit un message progressiste dans le film. Est-ce une volonté des studios d’être plus moderne ?

« C’est sûrement quelque chose auquel la réalisatrice et la scénariste réfléchissent beaucoup. Nous on est surtout là, à notre niveau, pour recevoir les matériaux et les mettre en image de la façon qui reflète le plus la vision de la réalisatrice. Je pense que c’est un message qui est nécessaire je pense, il ne faut pas être trop protecteur envers les jeunes. Ca reflète aussi la façon dont le monde évolue, il y a une sorte de maturité qui grandit, et il ne faut pas l’étouffer, il faut lui donner les moyens de s’exprimer, sans quand-même que ça ne devienne trop n’importe quoi. Il ne faut pas en avoir peur, ne pas y aller à reculons, il faut l’accepter et faire en sorte que les ados trouvent leur place dans le monde, qu’ils puissent exprimer leurs sentiments et leurs impressions sans en avoir peur. »

Le film ne sortira pas au cinéma mais seulement sur Disney Plus : comment regarder le film dans les meilleures conditions ?

« La condition sine qua non c’est de ne pas mettre le film en pause, recréer l’expérience du cinéma en éteignant les lumières, en s’installant confortablement, si vous le souhaitez avec du popcorn ou des tablettes de chocolat… »

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